Slam Matthieu
Bienvenue ! Voici une archive texte & vidéo de mes textes de slam. :-)
Venez retrouver toute la joyeuse bande de slameurs rémois à la Cartonnerie de Reims, un mardi par mois ; prochaine date à préciser en septembre 22024.

Matthieu
© 2021 Le Mime Marteau
Petit délire sans prétention pour ma première sur scène, histoire de faire connaissance avec le public !
Un texte assez personnel...
L'humour grivois, c'est quand même la formule magique pour plaire au public. Faut pas en abuser, mais là j'avoue je me suis fait plaisir.
Une petite fantaisie satirique de circonstance, écrite juste avant l'invasion de l'Ukraine - dingue, non ?
Un autre thème porteur : l'égalité hommes-femmes !
Quand Patrick m'a (brièvement) oublié dans l'ascenseur de la Cartonnerie, j'ai su que c'était le moment où jamais de faire ce numéro... D'accord, ce n'est pas vraiment du slam. Mais c'était marrant ! ;-)
Un texte sérieux et poignant (enfin, j'espère), dans la série "j'essaie un peu tous les genres"...
Retour aux textes "perso" qui viennent tout droit des tripes.
Dédicace pour Laurent Étienne, président des Ateliers Slam et indispensable animateur des scènes slam à la Carto.
En partant d'une blague un peu moisie (la chute...), j'ai voulu construire un texte mélangeant toutes sortes d'humour : subtil, potache, grivois, noir, léger... et même une blague plus ou moins réservée aux profs d'histoire. :D
Farce-dédicace à Nadège, alias Blanche-neige. Bon, j'ai attendu que son mec ne soit pas dans le public pour faire ce slam, hein. Courageux, mais pas téméraire !
Une nouvelle de science-fiction en moins de 3 minutes ? Heu... Chiche.
Au cas où vous ne l'auriez pas remarqué, Desproges est un modèle pour moi. Je suis bien loin de son niveau mais j'ai voulu essayer de lui ressembler pendant 3 minutes...
Ce n'est plus vraiment du slam, mais ça devait sortir un jour.
Toujours dans la série "essais de genres et de styles", cette fois dans un univers médiéval, à grands coups de groupes nominaux. J'ai des idées bizarres, je sais.
Retour au perso.
J'ai une voix toute pourrie, mais ça ne m'empêche pas de pousser la chansonnette.
Initialement prévu comme une dédicace à... quelqu'un qui n'était pas là ce soir-là, ce slam a été un peu tronqué à la dernière minute. Je le referai, en mieux, mais je vous partage tout de même la vidéo en attendant (avec les clowneries de Laurent, tant qu'à faire).
Faire réfléchir, toucher et provoquer... Mais surtout, mélanger des blagounettes plus ou moins subtiles avec des réfs improbables. C'est parti mon kiki !
Dédicace à mon équipière de voyage préférée, qui va bientôt prendre un coup de vieux.
Je râle, donc je suis.
Raconter une vie en trois minutes, comme une fresque miniature en six tableaux chronométrés... et avec Noir Désir en toile de fond. Bref, je poursuis mes essais. Serial Experiments...
Un modeste hommage à Raymond Devos.

J’avais préparé un texte et je suis allé m’inscrire pour passer ce soir, mais quand ils ont vu ma gueule, ils ont dit « toi, t’iras au calibrage ».
Je sais pas vous, mais pour moi, le calibrage, c’est souvent des gosses. J’ai aucun problème à être rangé avec les enfants mais j’me suis dit, si ça tombe, ils m’ont pas vraiment bien regardé – ils me mettent en calibrage mais ils connaissent ni mon âge ni la taille de mon calibre…
Donc bah je vais voir Laurent pour lui dire tout ça, et il m’arrête : « nan mais mec t’es un néophyte !
- Bah non, j’suis né à Reims…
- Mais t’es jamais monté sur la scène !
- Bah si, j’ai déjà été sur un bateau-mouche ! J’te jure, y’en a qui sont accessibles en fauteuil ! »
Là il me regarde chelou et il dit : « nan mais mec , avec le trac, tu vas avoir les jambes qui tremblent !
- Putain mais ça fait 40 ans que j’attends que ça, mec, vas-y donne du trac donne ! »

Là il se rapproche un peu et il me dit à voix basse :
« Nan mais tu vois on a surtout un problème pratique en fait. Le micro, ça va être chiant à régler avec ton fauteuil, faut que tu passes en premier sinon va falloir décrocher la perche et que quelqu’un te la tienne... »
Bon, j’ai une bonne bouille, mais là… Faut pas me tendre une perche pareille…
C’est con, y’a pas BN, alors j’regarde les autres meufs des Ateliers Slam et j’dis :
« C’est laquelle qui va me la tenir ? »
Et Laurent m’dit : « bah c’est moi ».
Alors j’lui dis : « bah, calibrage ».

Enfin bref maintenant que j’y suis, faut que je remplisse ma mission ! C’est la dernière de l’année, faut chauffer la salle, faut qu’ce soit hot…
Du coup j’vais vous parler du Père Noël !…

Sans déconner, le PN, il est en pleine galère. Les cadeaux des gosses, c’est devenu n’importe quoi.
Ils sont de plus en plus chers (les cadeaux), ils sont de moins en moins sages (les gamins)…
Et surtout, la règle a changé : maintenant, moins un gamin est sage, plus il est gâté !
Regardez : la fille toute gentille, toute polie, qui parle 5 langues, fait du violoncelle et a 19 de moyenne avec deux ans d’avance, elle va avoir… bah la dernière édition du Larousse, le kit du petit chimiste, et si ses grands-parents sont encore en vie… une visite au Louvre, allez.
Alors que le sale petit con qui tape sa mère, rackette son voisin, fait des fucks en classe et compte sur ses doigts à 14 ans… bah ouais, il aura sa PS5, son iPhone 13, et son drone furtif pour dealer du shit sans lever son cul du canapé !

Du coup, ça revient cher tout ça ; faut se serrer la ceinture, mais vu le bide qu’il a, le PN… bah il peut pas.
Et comme dans tout système capitaliste, qui c’est qui trinque ? Bah c’est les petits, les ouvriers, les sous-fifres. Et c’est comme ça que les lutins se retrouvent obligés de faire… le tapin de Noël.
Alors évidemment, le PN est leur premier client – un vieux cochon comme lui va pas rater l’occas’. Quoi ? Non, sans déconner, vous débarquez, là ? Le gugusse, ça fait des décennies qu’il fait sauter des millions d’enfants sur ses genoux en gémissant « hooo hooo hooo », et ça vous met pas la puce à l’oreille ?
Bon d’accord, c’est pas des preuves irréfutables, mais j’dis juste qu’y’a des curés qui ont pris cher pour moins que ça...

Bon je vous rassure, hein, c’était des blagues tout ce que j’ai raconté sur le calibrage. Si je passe au début c’est juste parce que j’avais promis à Blanche-Neige de faire mon texte en sa présence, et ce soir elle va arriver tard, donc j’ai préféré faire le clown.

Par contre j’étais sérieux pour le PN, hein. Faites attention à vos mioches, désinfectez les papiers cadeaux. Allez, salut !

quand t'as le spleen, la boule au ventre, quand t'as tout bu et qu't'es en manque
quand t'es fâchée avec tes vieux, quand t'as moins cent sur l'compte en banque
quand ta meilleure pote tombe enceinte d'un gars qu't'as jamais pu blairer
et qu't'as d'la bile à décharger… tu sais à qui tu peux parler

mais t'inquiète pas… j'suis là pour toi
mets-toi à l'aise, déballe tout ça
fixe les limites, c'est toi la boss
moi... j'suis la cinquième roue du carrosse
tu sais personne ne t'a demandé
d'être la perfection incarnée
tu peux terminer la bouteille
et m’faire confiance pour le réveil


quand il rentre tard et qu'il pue l'thon, quand t'es jalouse d'une Jennifer
quand t'as envie de faire un gosse mais qu't'as pas mieux qu'un pqr
quand tu sais pas si c'est le bon, quand t'es craq'love d'un homme marié
quand le karma veut t'entuber… tu sais sur quelle épaule pleurer

t'inquiète donc pas ! j'ai l'habitude
d'être la cinquième roue du carrosse
donne les détails, fais pas ta prude
raconte-moi tout sur ces beaux gosses
tu sais les hommes moi j'les connais
c'est comme des chiots… faut les dresser
dirige-les… sans en avoir l'air
tu s'ras toujours leur deuxième mère


quand t'ouvres les yeux à 14h dans ton grand lit d'célibataire
quand l'plus grand amour de ta vie s'appelle Pupute et pisse par terre
quand tu troquerais ton bac+5 pour un diplôme d'esthéticienne
comme ça au moins tu pourrais p't'êt' toucher des culs toute la semaine

oui... j'te comprends... ça devient pesant
d'avoir netflix comme concubin
d'voir toutes tes potes devenir mamans
et d'passer ta vie au turbin
alors tant pis… si ça fait mal
d'être la cinquième roue du carrosse
j'te consolerai... en non verbal
j'te cuisinerai une côte à l'os


tu sais, ici t'es à l'abri, tu sais qu'personne va te juger
c'que je sais d’toi, tes confessions, tes torts, tes vices… tes salissures
ce sera jamais utilisé pour t'affaiblir ou t'rabaisser
j'suis une béquille, pas une sangsue, là pour soutenir dans les coups durs
à défaut d'être ta raison de vivre, j'veux être un phare pour ton navire
un rocher sûr où t'accouder, ou même un guignol qui t’fait sourire


j'suppose que tu matches mon profil
d'la meuf futée mais trop fragile
qui attire vers elle les chevaliers
cherchant une fée à protéger
mais c'qu'elle veut, la fée, c'est vibrer
fuir la routine, se défoncer
beurrer la vie des deux côtés
tomber… pour mieux se relever

alors… si les autres ont une chance
d'faire avec toi quelques pas d'danse
pour toi, j's’rai tout sauf une romance
… j'suis l'type à qui tu fais confiance

ton meilleur pote, ta bonne conscience
l'oreille fidèle de tes silences
ton défouloir… ton confesseur…
ton pied-à-terre… ton extincteur

j'suis la cinquième roue d'ton carrosse
l'ami fidèle de la belle gosse
hors de portée des flèches d'eros
oui… la cinquième roue… du carrosse

apparemment vous aimez les textes assez profonds, alors je vais vous parler de... zoophilie.

n’vous inquiétez pas, j'aime vraiment les animaux !
disons que je suis comme les marins : je vois une femme dans chaque… porc.

bref, peu importe mes préférences, chacun ses petites marmottes,
ce dont je voulais vous parler,
c'est une question qui trotte dans ma tête depuis un bail.

comment savoir quand un animal est consentant ?

non mais rigolez pas, c'est hyper important.
c’est déjà compliqué avec des humains...
mais les animaux ?

tenez : quand René s'approche de Biquette,
et que Biquette lui tourne le dos…
est-ce parce que René s’est rasé le bouc ? ne s'agit-il que d'un caprice caprin ?
ou faut-il supposer que l'ongulée lui présente son postérieur tuméfié en guise d'offrande ?

comment savoir ?

quand Marcel rumine
sur le refus persistant de sa femme Josiane de le laisser pétrir sa généreuse poitrine,
qu'il se réfugie dans le giron de Marguerite,
et que ladite Marguerite s'y prête sans un meuglement…
on est certes en droit de penser que le couple de Josiane et Marcel va de mal en pis,
mais plus important :
Marguerite se laisse-t-elle palper les mamelles
par simple compassion fraternelle entre mammifères vachement frustrés ?
ou se peut-il… que les tendres attentions de Marcel lui fassent un effet bœuf ?

comment savoir ?


faute de trouver une réponse, j'ai établi des règles.

règle n°1 :
pas d'écart de poids trop important !
ça semble évident, mais un accident est si vite arrivé,
des jeux un peu trop musclés avec un étalon fougueux,
ou le funeste mais malheureusement courant syndrome… du hamster kleenex…
(oh, je vois qu’il y a des connaisseurs…)

règle n°2 :
pas après plus d'un verre d'alcool…
pour l'animal !
ah non mais c'est plus fréquent que vous ne l'imaginez !
entre nous, par exemple, je connais un chihuahua qui, après son troisième shot de vodka, fait des trucs avec sa langue auxquelles des âmes moins pures que la mienne risqueraient fort de prendre goût…

règle n°3 :
ne fais pas aux-truies (groink !) ce que tu ne voudrais pas qu'elles te fassent !
oui, je sais, dit comme ça, ça fait un peu biblique ;
en même temps…
ce sont des ecclésiastiques qui ont fait de moi l'homme que je suis aujourd'hui…

règle n°4 :
jamais devant témoin,
encore moins devant les maîtres !
les animaux ont droit à une vie privée, bon sang !
et nous à la liberté, accessoirement…

vous voyez, avec ces règles très simples, mes amies les bêtes sont en sécurité avec moi !
et d'ailleurs, je suis... pet-sitter !
donc si vous voulez que je prenne votre animal… en garde,
je laisse mes cartes de visite à l'entrée !
merci pour eux !

J’ai voulu prendre l’air. Sentir la brise marine caresser ma peau, respirer l’air iodé, me laisser bercer par le bruit des vagues… Aller voir l’océan pour abreuver mes 5 sens et recharger mes batteries.

Sauf qu‘en démarrant ma voiture, j’ai réalisé que je devais d’abord faire le plein d’essence.

C’est paradoxal, hein ?

Je sens que je suis à deux doigts d’abandonner mon projet d’escapade, mais si je fais demi-tour et que je m’affale dans le canapé, c’est sûr, je vais avoir un coup de pompe. J’hésite…

Allez, c’est décidé, je vais raviver l’éclat de ma vie si terne : je mets les gaz et je vais à la station la plus proche.

Arrivé là-bas, y’a la queue jusqu’au bout de la rue – c’est tout le temps comme ça depuis qu’on a passé les 3€ le litre. Plus c’est cher, plus y’a de la demande. Vu leur convergence, j’suis même étonné qu’Apple ait pas encore acheté Total.

Dans la file, je repère deux vieux potes à moi, Gilles et John. On était au lycée ensemble ; j’irais pas jusqu’à dire qu’ils sont bêtes, mais bon, c’est des gars sans plomb dans la cervelle. Pas très raffinés en tout cas. Depuis le bac, ils ont un peu viré réac, donc j’évite d’engager la conversation, je me borne à des banalités.

Quand je les rejoins, ils sont en plein débat sur l’origine de la flambée des prix : ils hésitent entre le complot judéo-maçonnique et un coup d‘état du clergé reptilien. En résumé, Gilles accuse les banquiers, et John les nonnes. Je résiste pas à m’en mêler ; leurs arguments sont tellement bidon… Je jauge la situation vite fait, et je sors de ma réserve.

« Mais c’est politique tout ça les gars ! Vous voyez pas ? C’est Poutine qui a voulu accroître son pouvoir sur l’échiquier international : il applique en Ukraine la même recette qu’au Moyen-Orient, il fout le bazar pour faire grimper le prix du baril, Saddam le pion aux amerloques, ça fait fermer leur Bush ! Iran le pétrole hors de prix, et comme ça, les ricains, Irak ! »

Je reprends mon souffle un instant au milieu de mazout verbal, et devant leur mine perplexe, c’est plus fort que moi : heh, je ricane.

« Et comme ça suffisait pas, Poutine a aussi demandé au Venezuela de baisser sa production ; leur président refusa, et l’OPEP s’y colla ! »

Enfin, c’est enfin mon tour de passer à la pompe, ces deux trolls vont enfin me foutre la paix (avec leurs histoires de pétrole). Je fais le plein et je me sens... vide…

Arrête de te plaindre de ton mec !
J’en peux plus, j’entends que ça, tous les jours.
Il est macho, colérique, jaloux, bordélique,
il t’comprend pas, il mate tes copines, il veut baiser tout le temps sauf quand toi t’as envie,
mais tu l’as choisi… non !?
Alors assume.
Combien de fois on t’a dit qu’on ne change pas les gens ? Si tu le gardes, c’est que t’estimes qu’au fond, il te convient bien. Sinon, change, agis au lieu de te lamenter.
Et me sors pas l’argument du « comment je vais faire toute seule moi » - t’es plus au 19è siècle, meuf... Tu peux très bien être indépendante, et choisir le mec que tu veux, par amour ou par désir, ou même par confort.
Mais les choix par défaut, les tristes statu-quo, c’est niet.

Me fais pas dire ce que je pense pas : oui,
y’a des tas de mecs totalement irresponsables qui sont juste bons à consommer vite fait,
ou plus souvent encore à éviter radicalement si tu veux pas d’emmerdes.
Mais la nature nous a pas attendus pour instaurer la parité, tu vois :
y’a aussi des tas de meufs totalement irresponsables qui sont juste bonnes à…
bon, t’as compris. Et te connaissant un minimum, je sais que t’en fais pas partie.

Mais le truc que tu veux pas voir, c’est qu’en général,
quand il veut une nana et l’invite à boire une bière,
un mec sait très bien si c’est une bombasse à accrocher à son tableau de chasse ou la mère de ses futurs enfants.
Ok, y’a des gros veinards qui font d’une bière deux coups,
mais c’est des exceptions… On est pas dans un Disney !
Je t’explique : si demain je sors avec une fille à faire baver mes potes –
vraiment une relation purement physique hein…
Bah j’me ferais aucune illusion, tu vois. Genre…
Si j’sortais avec Shakira, j’sais bien qu’il finirait par y avoir un Gérard pour me la piquer.
Alors que toi,
toi tu rêves d’aguicher un millionnaire,
de le rendre tellement dingue que pour toi il oublierait la drogue et les soirées putes !
Tu veux un footballeur,
barbu,
brun,
musclé,
célèbre,
pas trop teu-bé mais… bien teub-é,
bref tu veux pécho Benzema et en faire l’époux idéal !
Mais putain tu peux pas avoir le reubeu et l’argent du reubeu !

Depuis que je suis gosse, on me dit que les mecs ont un cerveau dans la queue et sont hyper vulnérables à l’attraction des femmes.
Bon, pour le cerveau, c’est pas faux.
Mais quand, à côté de ça, j’entends des meufs se vanter de privilégier la beauté intérieure…
C’est quoi cette hypocrisie ?
T’en connais beaucoup, toi,
des femmes qui ont choisi un homme qu’elles trouvent moche ?
Qui se disent pas
« on va essayer tous les beaux gosses possibles
jusqu’à trouver celui avec qui on arrivera peut-être à se supporter » ?

Alors arrête de te mentir à toi-même,
tu te compliques trop la vie.
C’est assez dur comme ça de trouver quelqu’un avec qui on se sent bien.
Si tu te sens bloquée, face à un mur, sans vision du futur –
alors pars, fais tes choix la tête haute ! Sinon…
Arrête de te plaindre de ton mec.

J’ai une histoire à vous raconter… mais j’ai plus de voix ! Alors je vais vous guider…

Hier, j’arrive au bar et j’y vois une femme sublime…
belle…
Elle soupire, comme pour dire :
gimme gimme gimme…
Je m’avance devant elle :
partenaire particulier cherche partenaire particulière…
Là elle dit :
if you wanna be my lover…
Alors je lui promets :
on ira… où tu voudras, quand tu voudras…
Elle sourit :
voulez-vous coucher avec moi ce soir…
Moi :
i’m so excited…
Je l’emmène dans un hôtel, et là, toute la nuit, c’est… selon votre âge,
je t’aime moi non plus
ou bien… vas-y francky c’est bon
ou même… bim bam boum

Au réveil,
je me lève… et je te bouscule…
Je la cherche à mes côtés…
mais tu n’es pas là… et tu sais j’ai envie…
Je me dis :
ne la laisse pas tomber, elle est si fragile…
Je lui téléphone ; répondeur !
le téléphone pleure…
Je réessaie ; elle décroche !
ne me quitte pas…
Elle m’interrompt :
tout, tout, tout est fini entre nous…
Elle raccroche.
et maintenant… que vais-je faire…
Une petite voix me dit :
ce n’est rien…
Mais je ne veux plus vivre ça !
no woman no cry
Alors je m’en vais,
all by myself…

T’as joué à la déesse-mère, hein, tu t’es crue forte…
T’as fait semblant de laisser agir les lois de la physique, alors qu’au fond,
c’est juste ton petit orgueil bien planqué qui t’a soufflé l’idée d’avoir une fille.
Tu t’es dit que créer, c’était dans l’ordre des choses,
alors que tu sais bien que la seule loi naturelle qui vaille,
c’est l’entropie, l’inexorable destruction des liens.

Et tu t’es défilée, avant même que ça devienne compliqué.
Ouais, au lieu de t’occuper de ta fille, t’as préféré les chimères, les vertiges,
t’as cru que ça te ferait rester jeune…
Mais l’insouciance, c’est qu’une facette de cette jeunesse !
Il est où l’enthousiasme, il est où l’émerveillement ?
Est-ce que t’as eu les yeux qui pétillent, ne serait-ce qu’une fois, en me regardant ?

T’as pris la tangente et tu m’as laissée là,
vulnérable comme un gosse qui doit apprendre trop vite à ne plus en être un.
T’as eu le culot de prétendre m’offrir la liberté, l’auto-détermination –
alors que tu m’as mis sur les rails d’un système que tu connais par cœur.

Oui, c’est ça ton crime le plus honteux :
t’as juste reproduit l’acte fondateur de ta propre souffrance,
cet abandon, ce rejet monstrueux autour duquel toute ton identité s’est construite,
nourrie par le dégoût de toi-même.

Si tu avais eu le courage de t’aimer,
ne serait-ce qu’un peu,
tu aurais voulu me transmettre un autre héritage
qu’un esprit brisé dans un monde en ruines.
Mais t’as jamais distingué la fierté de l’orgueil.
Alors tu m’as condamnée, moi, ta fille, condamnée à me haïr, à mon tour,
à errer toute ma courte vie, sans avoir le temps d’être autre chose
qu’un battement de paupières à l’échelle de l’univers.
Seule. Seule ! Car tout ce dont je serais capable, ce serait de reproduire,
reproduire ton crime :
je vois bien comment ton abandon m’a programmée pour être incapable d’aimer ;
pourtant j’aimerais tellement déjouer ton piège, réussir là où tu as échoué,
toi et combien d’autres avant toi…

Non… Non ; moi, je ne céderai pas à ce désir irresponsable.
Non, je ne transmettrai pas cette fièvre, cette anomalie.
Et peut-être qu’accepter d’être dérisoire et de ne laisser rien ni personne derrière moi,
c’est déjà plus d’amour que tu n’en as jamais donné.

Est-ce que c’est grave…?


Est-ce que c’est grave si je me confesse en public ?

Est-ce que c’est grave si j’aime pas remettre à demain ce que je pourrais faire après-demain ?
Est-ce que c’est grave si la personne que j’aime le plus, c’est mon chien ?

Est-ce que c’est grave si j’ai jamais eu envie d’être normal ?
Si je trouve pas ça péjoratif d’être taxé de marginal ?

Est-ce que c’est grave si pour m’orienter, je préfère le soleil et les panneaux au gps ?
Et si la plupart des musiques que j’écoute datent d’avant que je naisse ?

Est-ce que c’est grave si je pourrais traverser le pays pour un resto ou un fou rire ?
Est-ce que c’est grave si en fait ça m’arrive plus souvent que je n’ose le dire ?

Est-ce que c’est grave si je slame sans bouger ?
… Et si, manifestement, j’ai pas le physique pour faire du… stand-up ?


Est-ce que c’est grave si je t’aime, si tu m’aimes, mais qu’on est pas foutus de s’aimer ?
Et si toutes mes relations, amitiés ou amours, sont asymétriques, mal équilibrées ?

Est-ce que c’est grave si je déteste mon corps mais que j’espère trouver quelqu’un qui, à ma place, saura l’aimer ?
Est-ce que c’est grave si je m’en fous de pas marcher, si ce qui me manque vraiment, c’est de me lever pour t’enlacer ?

Est-ce que c’est grave si je connais pas la nostalgie ? Si malgré ce corps qui faiblit, je n’ai jamais aussi bien vécu que maintenant ?
Est-ce que c’est grave si je fais ma jeunesse à 40 ans ?

Est-ce que c’est grave si je suis trop tolérant, en tout cas pas assez militant ?
Si je ne me sens pas légitime pour protester ? Si je n’ai que trop conscience de mes privilèges de mec, hétéro, français, fils de profs, blanc ?


Est-ce que c’est grave si je te préfère sans maquillage ?
Si tes soupirs me touchent plus que tes rires ?
Si te voir me fait du mal, mais que j’y reviens toujours parce que c’est toi qui m’inspires ?

Est-ce que c’est grave si j’ai besoin d’un verre quand je suis triste ?
Est-ce que c’est grave si je suis souvent triste ?

Est-ce que c’est grave si ma pyramide de Maslow est à l’envers ?
Est-ce que c’est grave si ça me fait rien de plus avoir ma mère ?

Est-ce que c’est grave si j’en dis plus en trois minutes sur scène qu‘en une année d’intimité ?
Si les seuls moments de complicité qui nous lient sont ceux où nous laissons nos corps s’exprimer ?

Est-ce que c’est grave si je sacrifierais n’importe qui, n’importe quoi, pour qu’un jour un gosse m’appelle papa ?

Est-ce que c’est grave de ne pas en vouloir toujours plus, alors que c’est ainsi qu’on vit aujourd’hui ?
Est-ce que c’est grave si je m’en fiche de mourir, de basculer dans l’oubli ?

Et est-ce que c’est grave si après avoir passé toute une vie à apprendre comment et pourquoi, au dernier instant, je réalise que je n’ai toujours pas compris ?

Monsieur Étienne !

Cela fait un certain temps que votre activité m’exaspère
et qu’il me tarde vous dire le fond de ma pensée,
mais j’ai dû attendre l’occasion de cette scène de rentrée scolaire
pour pouvoir enfin, et en public, vous apostropher.

Voyez-vous, en fin esthète de la grande et noble poésie,
je ne peux m’attendre à croiser un Baudelaire chaque matin ;
que vos tirades me semblent convenues, triviales, voire malpolies,
c’est une affaire de goût ; si elles plaisent à d’autres, fort bien.

Non, Monsieur Étienne, ce n’est pas votre plume qui me chagrine,
c’est toute cette mascarade de bienveillance et d’ouverture d’esprit ;
à vous entendre, n’importe qui peut venir ici déclamer quelques lignes,
même les enfants sont admis, les boiteux, les bègues, ha ! Quelle hypocrisie.

La poésie, Monsieur Étienne, n’est pas un passe-temps populaire,
nous le savons depuis Hegel, c’est le plus noble de tous les arts ;
donner aux cochons la sublime confiture de votre grand-mère
ne fera jamais d’eux plus que du jambon et du lard.

Et ce n’est pas là le pinacle de votre forfaiture !
Vous ne vous contentez pas d’exposer la plèbe à quelques vers innocents
ânonnés ou éructés au fin fond d’une salle obscure,
non ! Vous allez jusqu’à investir des lieux publics, et ce, gratuitement !

C’est là que la coupe déborde, Monsieur Étienne, car si je tolère votre prose,
je ne peux voir ainsi bafouée l’exigence qui est un des piliers de la culture de qualité !
La souffrance, le sacrifice sont les passages obligés de l’amateur de belles choses,
et s’acquitter d’un écot conséquent garantit aux élites un accès privilégié.

Ne concevez-vous donc le danger d’alimenter par le bas cette soif de culture ?
N’avez-vous que peu d’intérêt pour l’Histoire, ou souhaitez-vous l’anarchie ?
Le bas peuple qui s’agite, qui pense, qui imagine, qui s’émeut, qui rit,
C’est le terreau des révolutions, et par là-même, les germes de la dictature !

Tout trublion que vous êtes, Monsieur Étienne, je n’ose imaginer
que vous vous accommodiez d’avoir du sang sur les mains et la conscience chargée.
Renoncez donc dès à présent à cette entreprise démagogique et insensée,
Laissez la poésie, et l’art en général, à ceux qui ont les moyens de se l’offrir ;
Le système a besoin que le peuple travaille docilement et se divertisse sans frémir,
Rien ne doit le laisser développer des espoirs, des fantaisies irréelles :
Alors rejoignez les rangs des promoteurs de la Culture avec un grand C
Celle qui vous caresse la nuque pour mieux vous arracher les ailes.

Je suis pas gros ! Je suis juste un peu enveloppé…
C’est le petit bidon habituel de l’homme sédentaire de 40 ans !
Et puis je fais moins de sport qu’avant, il suffirait que je m’y remette sérieusement.

On se rassure comme on peut, hein, mais vient un moment où il faut affronter la dure réalité. Pour certains, ça se fait lors d’une rupture amoureuse. J’ai eu plus de chance, moi c’est une gamine de 3 ans dont la toute première réflexion sur mon physique a été « haaan, t’es comme mon Papi, t’as un gros bidou ! ».

J’ai donc pris mon courage à deux mains et prévu de commencer à maigrir… demain.
Parce qu’il faut bien 24 heures pour se préparer, se persuader, et bouffer tout ce qu’il reste de pas très diététique dans le frigo ! Eh, les temps sont durs, pas de gâchis.

En attendant, j’épluche quelques magazines féminins en quête du régime qui pourrait me convenir. Oui, je fais plus confiance aux femmes pour ça, à vrai dire j’ai déjà posé la question du régime à mon meilleur pote et il m’a répondu « autocratique ». Oui, avec lui ça devient compliqué de parler d’autre chose que de Mélenchon.

J’ai aussi demandé conseil à ma psy, elle a dit qu’on devrait se voir plus souvent pour que je vide mon sac, parce que quelqu’un qui adipeux n’en panse pas moins. Elle est marrante, mais en attendant, le seul truc qui fond, c’est mon compte en banque.

Alors je m’observe dans le miroir, légèrement potelé, vaguement bedonnant, potentiellement ventripotent, et je me résous à maigrir. Mais comment ? De nature, je suis plutôt protestant contre toutes les diètes, surtout celle de Worms évidemment.
Mais je dois me débarrasser de cette graisse antique pour retrouver mon corps d’éphèbe !
Allez, on se motive : oh, qu’ils sont beaux les abdos, qu’ils sont laids les bourrelets !
Pas question d’édulcorer le programme : je vais pratiquer le jeûne, et non ce n’est pas une allusion pédophile, non, un jeûne assidu, un carêmadan à durée indéterminée jusqu’à atteindre mon poids idéal. Je serai maître de mon corps, j’aurai la bile labile et ma gorge n’avalera qu’avec mon aval… Je me forgerai petit à petit un petit appétit…

Sauf qu’au bout de trois jours, en passant dans la cuisine, je me sens déjà glisser un regard lipidineux vers tous ces saindoux désormais proscrits. Oh, chère chair, I’m not strong enough…

Je ne peux pas perdre des calories en ne carburant qu’à l’eau du riz. Donc je change mon zizi d’épaule et je décide de n’éliminer que les aliments les plus nocifs !
Je vais foutre la paix aux animaux, et épouser une vegan qui adore manger des légumes… pour joindre l’utile à l’agréable. Reste juste à la trouver et la convaincre. Alors plus de viande, plus de fromage ; les patates y’a trop d’amidon, le pain y’a trop de gluten…

Et voilà, et c’est comme ça que je me suis… myopathe.

Hé, Blanche-neige !
Tu m’reconnais pas ?
Allez, fais un effort, c'est pas difficile… Ça fait des années que tu rêves de moi…
Ben oui… C'est bien moi, le prince charmant…
Celui que tu attends… depuis si longtemps… sur son beau destrier blanc – hm, oui, bon.

Tu me crois pas ?
Eh ben t'as pas tort d'être méfiante ; y'en a partout des imposteurs,
ces prétendus princes élus qui ne sont venus que pour tremper le biscuit…
Mais je suis le vrai, moi, le seul et unique,
celui qui passe la bague au doigt de toutes les donzelles en détresse !
Oui, un anneau pour les séduire, un anneau pour les épouser toutes, et dans les ténèbres les… ahem.

Toujours pas convaincue ? Eh bien demande à mon chien, tu sais, la jolie fifille que j'ai adoptée au refuge route de Dormans - oui, c'est elle, la belle qui aboie à Dormans…
Oui ! C'est avec moi que le petit chaperon rouge a vu le loup,
et c'est même moi qui ai fait de Cendrillon une junkie !
Ah, tous les deux, on a eu une jolie petite histoire…
Quoi ? T’es jalouse ? T'espérais être la première ?
Genre, toi, Blanche-neige, avant de me voir arriver, t'as jamais croqué la pomme ?
Mais bien sûr… Hé, jeux de nains, jeux de vilains !

Mais oublions toutes ces autres ! C'est à toi que je veux conter fleurette,
oui, c'est avec toi que je veux boire de la Grim à l’a…péro ! Ha !
Toi, ma dulcinée un peu tassée à la jeunesse un peu passée –
mais tu sais bien que c’est dans les vieilles marmites qu’on fait les meilleures soupes !
… Surtout quand on y met de jeunes carottes !

Toi, ma muse aux mille noms, ange, trésor, chat, beauté !
Toi, ma longue et fine damoiselle, légère comme une plume,
oui, ma princesse au petit… poids !
Oh, Blanche-neige, je me languis de ta… réponse !
Veux-tu de nous, en toi, sentir un… petit pousser ?

Ho, je vais trop vite en besogne, pardonne mon outrecuidance
J'avoue, ma Blanche-Neige, j'ai menti, j'ai juste voulu tenter ma chance
J'suis pas le chevalier Bayard, sans beurre et sans brioche
Je n'suis qu'un beau parleur porté sur la bamboche
Peu me chaut donc de quel flacon ce soir je m'emplirai d'ivresse
Pour moi qu'importe le dragon, pourvu que je saute la princesse
J'ai pas grand chose d'un prince charmant, mais j'suis un amuseur dans l'âme
J'suis pas venu t'déclarer ma flamme, j'suis juste venu pour faire du slam

La semeuse file et glisse à travers l’espace étiré. Elle tend, elle croise, elle noue en un point singulier et délie de l’autre côté.
Sans cesse sur son métier elle remet son ouvrage ; elle sème et récolte au gré de ses voyages.
Sans relâche, depuis l’aube des temps, elle ensemence les mondes et fait germer le printemps.
Des planètes, des comètes par milliards, des fragments de roche arides tapis dans le brouillard ;
De ces creusets stériles elle crée des pépinières, dans l’immensité anonyme elle fait jaillir la lumière,
L’alchimie, la vie, foisonnante, bouillonnante, souvent éphémère, parfois résiliente ;
Et parmi toutes ces ébauches balbutiantes, çà et là, émerge une forme de vie consciente.

Ce n’est pas sa raison d’être, cette évolution, non, mais elle a dû se faire une raison…
Elle a dévoré tant d’espace, elle a tant parcouru, depuis que ses sœurs une à une ont disparu.
Tracer, coudre et plier, c’est la fileuse qui le lui a enseigné ; mais elle a péri, et la semeuse l’a remplacée.
Trancher, dissoudre et disperser, c’était la tâche de la faucheuse ; elle aussi a cédé face au Grand Froid, et sa mission a échu à la semeuse.

Alors, elle s’est armée de patience et a guetté ces étincelles d’intelligence
Si maladroites, si fragiles, si promptes à se mettre en péril
Entre ces créatures elle a tissé des liens, comme sa sœur le faisait si bien
Des rayons vifs rompant les plaies creuses entre leurs fugaces existences
Mais c’est par son rôle de faucheuse qu’elle leur a donné un sens

Et quand elle a senti les mèches glacées du néant frôler sa trajectoire
Elle a compris le renoncement de ses sœurs, leur désespoir
Le Grand Froid leur avait déjà tant pris
Une infinité de mondes, une éternité de travail
A quoi bon semer, nouer et récolter
A quoi bon filer et couper
Elle aussi aurait préféré abandonner, mais c’était sa nature, elle était l’oasis dans le désert, la fleur au milieu du béton, le sourire dans la nuit – elle serait la dernière, l’ultime forme de vie de cet univers.
Elle connaîtrait la fin de l’expansion, l’extinction des feux, l’éternité gelée.

Alors elle s’est attachée à ses dernières boutures, comme cette planète bleue dont les habitants ne semblaient pas décidés à choisir entre chanter et tuer. Ils auraient dû être insignifiants, mais elle les observe, et scrutant leurs vies, elle tente d’oublier son destin.
Elle ne veut pas être seule.

Un jour, y’a un type qui a dit que les chambres à gaz étaient un détail de l’histoire.
Oh la vache, ça vous fait rire, ça ? Ouah mais sérieux, le public de la Carto, ça a bien changé…
Non mais c’est dingue, quand même, de dire un truc pareil sur l’Holocauste ! Comme si tous ces pauvres gens avaient eu le shoah !
Et puis quelle horreur tous ces trains de déportés… Toutes ces vies qu’on aurait pu sauver, si la SNCF avait fait grève…
Oh ça va, me regardez pas comme ça, vous me connaissez assez pour savoir que je suis contre le pen de mort…
Par contre faut pas oublier qu’y’a pas que les juifs qui ont pris cher dans l’affaire : y’avait les gens du voyage, les homos, les handicapés…
Mais bon, qu’est-ce que vous voulez… C’est la sélection naturelle, les meilleurs ont survécu : Hanouna, Kendji, moi…

En tout cas, je me demande si les propos du vieux chnoque ont bien été interprétés. Peut-être que ce qu’il voulait dire, c’est que cette toute merde avec les nazis, bah c’était une boucherie parmi plein d’autres dans l’histoire de l’espèce humaine.
Bon, d’accord, il devait pas savoir compter. Mais ça n’empêche qu’il y a des tas d’horreurs passées sous silence. Et encore aujourd’hui !
Tenez, rien qu’autour du moi, j’ai pas mal de connaissances (j’ose plus les appeler des potes) qui affirment, mais alors sans aucun scrupule, qu’ils broient du noir !
Et y’en a même, au p’tit déj, qui mangent du pain et des noisettes de beurre !
J’ai rien contre le contrôle des naissances, hein, mais là, ça va un peu loin…

Je crois que nous autres les humains, on est pas faits pour vivre tous mélangés, comme ça. On peut pas s’empêcher de détester ce qui est différent, de le jalouser et de le mépriser en même temps, ce qui n’est pas du tout logique, et ça montre bien à quel point c’est irrationnel.
En cuisine, ça fait longtemps qu’on sait que c’est important de bien séparer le blanc du jaune. Eh ben on devrait faire pareil avec les gens. C’est facile en plus ! Les maçons au Portugal, les alcooliques en Russie, les cuistots en Italie, les humoristes en Belgique, les chaudasses en Espagne, les toxicos aux Pays-Bas, les criminels aux USA, les plombiers en Pologne, et les roumains bah…
Regardez, même en France ça se fait naturellement, on a déjà les retraités au sud et les chômeurs au nord !
Ça n’empêcherait pas de voyager un peu, hein, perso je tiens à mes vacances en Espagne, mais au quotidien on arrêterait de se bouffer la gueule et d’espérer pécho autant que le voisin, avec sa peau mate et sa gueule de lover. Restons entre gens médiocres !
Nan mais de toute façon je vous parle pas à vous, hein, on est pas du même monde, ça se voit… Dans mon pays, personne n’envisagerait passer son mardi soir à écouter de la poésie alors qu’il y a la coupe du monde à la télé…

Bon, j’ai un problème. Depuis que je monte sur scène, y’a plein de gens – même des proches – qui me disent que je devrais parler du handicap. Je me demande bien pourquoi.

Ce qu’ils attendent, en général, c’est de l’auto-dérision. « Oh regarde, il se fout de sa gueule, il a du recul, il le vit bien ». Oui mais non, glisser une blague de temps en temps, avec plaisir, mais je ferai jamais un slam entier là-dessus. Pourquoi ? Déjà, des tas d’autres le font, c’est archi-prévisible, la preuve vous me voyez arriver sur scène et direct vous vous attendez à des vannes sur les légumes ou les roulettes. Mais c’est vraiment drôle quand ça surprend ! Et de toute façon c’est clairement pas pour ça que je slame. Aussi étonnant que ça puisse paraître, toute mon existence ne tourne pas autour du handicap.

Et puis y’en a d’autres qui veulent que je raconte ma vie, plus sérieusement. Mais… de façon positive et inspirante, histoire de faire mousser vos racines judéo-chrétiennes - vous savez, « oh, il a du courage, quelle leçon de vie ». Traduction : « heureusement que le vieux barbu l’a choisi lui pour porter sa croix, moi au moins j’ai une vie facile ». Mais allez vous faire cuire le cul ! Je suis ni meilleur ni pire que n’importe qui, j’ai aucune leçon à donner, et les petites vieilles dans la rue qui me pincent la joue en disant « il a un beau sourire quand même », elles peuvent se noyer dans leur bénitier ! J’ai pas pour raison de vivre de vous donner bonne conscience, j’en ai rien à foutre que vous donniez du blé au Téléthon !

Alors ouais, d’accord, je veux bien parler de handicap, mais je vous préviens, ça va pas vous plaire. Pour une fois, je vais passer pour l’handicapé vénère, le rageux, l’insatisfait, et même après réflexion, y’en a parmi vous qui comprendront pas. Et bah… Tant pis.
Et puis ça va dépasser les 3 minutes – si mon ex était là, je parie qu’elle vous dirait que c’est pas dans mes habitudes - et M’sieur Dam va râler mais… nique la loi !
C’est pas parce que je suis né dans un pays qui n’élimine pas systématiquement ses handicapés à la naissance que je dois déborder de reconnaissance et me taire à jamais.

Dénoncer la discrimination, c’est aussi accepter que les relations humaines ne sont jamais manichéennes : oui, y’a des préjugés innocents, oui, y’a des maladresses qui partent d’une bonne intention ; on discrimine tous, parfois, c’est pas un péché capital qui fait de nous des connards. Enfin pas toujours. Mais ça fait mal, ça humilie, ça abîme les gens qui encaissent ça à longueur de vie, et ça pourrait être évité, donc il faut en parler, il faut dénoncer et expliquer, même si c’est pénible et usant. Pénible et usant pour celui qui explique, mais aussi parfois pour le pauvre petit innocent qui pense n’avoir jamais rien dit de mal et qui a l’impression qu’on veut le faire culpabiliser pour trois fois rien. Oui, on en connaît tous, des comme ça.

T’auras remarqué que ce que je viens de dire s’applique à toutes formes de discrimination, et y’aurait beaucoup à discuter en matière d’intersectionnalité, mais là, M’sieur Dam va vraiment se fâcher.
Le truc avec le validisme, c’est à dire la discrimination envers les personnes handicapées, c’est que ça ne choque pas grand monde. De nos jours, être raciste, misogyne ou homophobe en public, ça passe moyen, même si en coulisses on sait tous que la haine et le mépris se portent très bien. Alors que des actes manifestes de validisme ne déclenchent pas de réaction, tout au plus un léger embarras difficile à expliquer.

Tu as du mal à voir de quoi je parle, hein ? Je vais te donner quelques exemples, pour que tu y voies plus clair.

Quand on te refuse l’accès à un service public et que la personne en face de toi trouve pas mieux comme excuse que « mais vous savez, j’ai rien contre les gens comme vous, ma belle-mère de 92 ans est en chaise roulante ».
Quand un mioche dans la rue commence à poser des questions, « qu’est-ce qu’il a le monsieur », et que sa mère le tire violemment par le bras en marmonnant « tais-toi, c’est pas poli ». Ou bien, plus sobre mais tout aussi dégueulasse et insupportable : « l’embête pas, le pauvre, il a mal ».
Quand tu fais passer un entretien d’embauche pour compléter ton équipe d’auxiliaires de vie, que tu demandes ses motivations à la candidate et qu’elle répond « oh vous savez, j’ai juste envie d’apporter un peu de bonheur aux gens qui en ont le moins ».
Quand on te refuse de postuler à l’entrée en classe prépa avec pour seul prétexte « ici c’est la jungle, personne voudra vous aider, au contraire vous serez une cible facile ».
Quand un proche est à l’hôpital, te désigne comme « personne de confiance » et que le chef de service déboule dans sa chambre en gueulant « un handicapé, non mais vous aviez vraiment personne d’autre ? ».
Quand un groupe dont tu fais partie organise une réunion dans un endroit pas du tout accessible et te dit au dernier moment « t’inquiète ça ira, au pire on te portera », sans se soucier de savoir si c’est impossible ou dangereux.
Quand des « professionnels du handicap » essaient de te dissuader de vivre chez toi, libre et en autonomie, pour être parqué dans un « habitat inclusif », c’est à dire un ghetto d’handicapés, officiellement pour ta sécurité, officieusement parce que ce concept c’est leur vache à lait.
Quand des mecs projettent sur toi leurs fantasmes minables de domination et te demandent très sérieusement si tu paies plus cher les auxiliaires de vie qui couchent avec toi.
Quand les femmes qui t’accostent te prennent soit pour un grand frustré tellement en manque qu’il sauterait sur n’importe quelle… occasion, soit pour une expérience chelou à essayer pour compléter leur collection.
Quand tu mets ta vie sociale entre parenthèses pendant des mois, des années, par peur de choper le covid, non pas parce que t’es fragile, mais parce que tu sais très bien que si tu dois être hospitalisé, tu feras partie de ceux qu’on juge non-prioritaires et qu’on laisse crever.
Quand tu vas à un concert, que malgré ta place payée au prix fort et deux heures d’attente devant les grilles pour être sûr d’être bien placé, t’es parqué de force au fond, dans un coin, derrière des barrières, avec les autres mal foutus, et qu’en prime on vient mettre à côté de toi les gamins turbulents et les défoncés pour pas qu’ils gênent « les gens ».
Quand t’es avec ta meuf au resto et qu’entre la poire et le dessert des inconnus viennent tapoter sa main et lui dire « bravo madame, c’est beau ce que vous faites ». Ou encore mieux, quand t’es mal en point à l’hosto et qu’elle entend « faut vous faire une raison ma p’tite dame, c’est pas une vie pour lui, et puis eh… vous serez soulagée après ».

Tu comprends un peu mieux, là ? Allez, il serait temps de conclure.
Le handicap n’est pas un problème, c’est un fait social et culturel. En quoi serait-ce différent d’être gay ou noir ?
Ce qui est pénible au quotidien, c’est pas le handicap en lui-même, c’est la non-adaptation de la société à la multiplicité des corps et des capacités.
Ma seule revendication, c’est le respect de mes droits, tout le contraire de la charité.
Et tu vas sans doute pas me croire, mais j’ai pas envie d’être « guéri » :
je suis pas malade, je suis pas un valide raté.
J’essaie de vivre et pas seulement de survivre, comme toi.
J’essaie de donner plus que je reçois, comme toi.
J’essaie d’être libre, toujours, et heureux, quand c’est possible, comme toi.
Ma vie… a autant… de valeur… que la tienne !

Le mois de mai.
Le frisson d’un vent tiède dans les herbes.
Le murmure d’une rivière saumâtre en contrebas.
Et là-haut, le croassement des corbeaux.

Le claquement des bannières. Noir et rouge, noir et or.
Le souffle impatient des chevaux de guerre.
Le cliquetis des cottes de mailles, des heaumes et des gantelets.
La torche rouge sang du soleil levant, et soudain, le son des cors.
Les secousses de la terre, les cris de défi, la charge, les râles d’agonie.
Le flanc droit de l’armée enfoncé en premier ; le repli, les renforts, la reformation tactique.
Les enchevêtrements de corps, humains, chevaux, et l’odeur de boyaux crevés.
Les rangs éclaircis de part et d’autre. Et comme une évidence, à quelques mètres de distance, des regards qui finissent par se croiser.
Face à lui, le roi, à l’armure plus rouge encore que le soleil. Le vieux roi, usé, isolé, méprisé, tenu debout par des décennies d’habitude – et par l’orgueil.
La haine dans son regard…

Des souvenirs étourdissants.
L’alcôve poussiéreuse d’une chapelle.
Deux corps enlacés, fébriles, passionnés.
Sa main aventureuse. Ses yeux verts envoûtants. Ses chuchotements à son oreille.
Sa reine.

Retour au tumulte des armes. Face à lui, le roi, marteau de guerre brandi.
Esquive. Attaque à l’épée. Ricochet sur l’armure rouge. Et déjà le marteau qui s’abat. Bouclier fracassé. Plus de sensations dans le bras gauche. La pointe vers l’aine du roi, un bond en avant -

Le thorax enfoncé, le cœur en miettes. Le rouge royal qui envahit son champ de vision.
L’échec de la rébellion.
Mais à l’instant où le marteau sanglant va s’écraser sur son crâne, il sourit, car il sait ce que le roi ne saura que trop tard, oh oui, bien trop tard : l’héritier que porte sa reine est un bâtard.

Je ne devrais pas t’aimer si fort.
Tu n’es même pas ma fille
tout juste une nièce par intermédiaire, et encore
Je sais bien que je ne suis que le palliatif temporaire d’un géniteur intermittent
mais comment ignorer ton besoin d’attention et d’affection ?
Certains disent que je compense l’enfant que je n’ai pas
mais pourquoi faudrait-il un vide pour justifier un plein

Je ne devrais pas t’aimer si fort.
Tu n’es même pas humaine
je t’aurai près de moi encore quoi, six, sept ans ?
Mais tu m’as fait confiance en un regard,
alors que tu te méfiais des hommes, et pas par hasard.
Certains disent que je compense l’enfant que je n’ai pas
mais ils ne comprennent pas qu’il y a une place dans le cœur qui n’appartient qu’aux chiens

Je ne devrais pas t’aimer si fort.
Tu es mon assistante ;
mes jambes, mes bras,
ma liberté, ma sécurité,
nécessaire, et nécessairement remplaçable
Pourtant, et de toutes les façons qui comptent, tu es ma sœur
Certains disent que ce lien est une sorte de reconnaissance
mais ils n’imaginent pas que ma gratitude puisse s’exprimer autrement
et puis tu peux partir, continuer ton chemin ailleurs, je ne t’aimerai que plus librement

Je ne devrais pas t’aimer si fort.
Qui que tu sois, tu t’es bien amusé en jetant les dés
un coup gagnant, peut-être, à quelques gènes près
Dis-moi, dans tes prédictions, lequel de tous ces obstacles était censé me faire tomber ?
J’aimerais croire que je t’ai surpris, en bien
que tu ne me voyais pas aller si loin
Pendant si longtemps, j’étais incapable de me projeter,
j’ai fui les engagements et les responsabilités,
sans doute un peu trop conscient de ma fragilité,
effrayé de n’avoir que des cendres à léguer
Je ne voulais pas m’attacher à toi, existence éphémère,
mais tu m’as fait sensible, entier
à quoi bon vivre si c’est pour vivre à moitié
être digne et fier
dans l’univers sombre et immense, être une étincelle, pas une poussière
alors je ne devrais pas, non, mais je persiste, je m’ouvre et j’explore
je saisis le jour, j’espère encore, et j’aime, j’aime tellement fort

je ne t'aime pas pour tes vingt ans
j'veux voir grandir nos p'tits enfants
je ne t'aime pas pour le confort
je survivrai sans montre en or
je ne t'aime pas pour n'pas être seul
sinon j'aurais un épagneul
j't'aime pas pour sauver mon ego
ça m'gêne pas d'jouer en solo

je ne t'aime pas pour ton métier
ou ton rêve d'être femme au foyer
qu'on se ressemble ou qu'on s'complète
j'suis ton binôme, t'es ma doublette

j'sais pas pourquoi
ça s'passe comme ça
la nuit s'en va quand tu es là
j'suis lié à toi, ça s'explique pas
j'savais pas aimer avant toi

je ne t'aime pas pour ta bouche
tes baisers doux, ta moue farouche
je ne t'aime pas pour tes yeux
ton air fragile et malicieux
je ne t'aime pas pour tes fesses
dodues ou non, moi j'les caresse
je n't'aime pas pour ton ventre plat
faisons des gosses et tu verras

c'est pas que j'm'en fous de ton corps
c'est mon refuge et mon trésor
mais tu pourrais être bien moins belle
que tu m'plairais toujours pareil

j'sais pas pourquoi
ça s'passe comme ça
l'ennui s'en va quand tu es là
pourquoi c'est toi, pourquoi c'est moi
ça s'contrôle pas, c’est le karma

je ne t'aime pas quand tu ronchonnes
ni pour ta trogne quand l'réveil sonne
je ne t'aime pas pour tes tourments
tes dépendances, tes errements
j't'aime pas non plus pour tes talents
être doué ça rend pas excitant
ta culture gé, ton habileté,
c'est pas tout ça qui m'fait bander

j'crois pas en la femme idéale
j't'ai jamais prise pour une vestale
je te connais recto-verso
t'es tout sauf un choix par défaut

j'sais pas pourquoi
ça s'passe comme ça
la peur s'en va quand tu es là
pas sûr qu'ce soit qu'les phéromones
qui font qu'entre nous ça fonctionne

je ne t'aime pas pour ta famille
qu'on soit friqués ou en guenilles
qu'on vive dans l'péché ou mariés
j's'rai jamais l'gendre dont ils rêvaient
j't'aime pas pour c'que tu penses de moi
t'es pas plus objective que moi
j't'aime pas pour l'appel de tes bras
ni pour être fier d’être près de toi

j'aurais peut-être pu trouver mieux
mais j'aurais pas été heureux
quand j'ferme les miens, je vois tes yeux
dans tous mes rêves on est à deux

j'sais pas pourquoi
ça s'passe comme ça
le temps s'arrête quand tu es là
j'vis chaque instant comme le dernier
même si je sais qu'ça va durer

j'sais pas pourquoi
ça s'passe comme ça
le doute s'en va quand tu es là
ni obsession, ni roue d'secours
seule certitude, c'est l'grand amour

le virus circule
il se propage de corps en corps
il exploite les similitudes de nos systèmes immunitaires
il profite de la promiscuité, de la négligence, de l'absence de précautions

le virus circule
il se propage d'un ordinateur à l'autre
il exploite les similitudes de leurs systèmes d'exploitation
il profite des logiciels conçus à la va-vite et des erreurs d’utilisation

l'éradication a un prix
formatage de bas niveau
suppression des clusters
rupture des connexions, remise à zéro

et dans nos têtes, le virus circule
la pensée unique gagne du terrain
la novlangue standardise les rapports humains
facilitée, pré-digérée
la concision est devenue compression
comme un air de flou à l’ère du flouze
pas d'hyperbole, pas d'euphémisme au royaume du capitalisme
ce vocabulaire réduit est le dernier avatar de notre système d'exploitation
le cheval de Troie des idéologies les plus obscènes

la graisse du fast food et la soupe de bfmp3 nourrissent la même addiction
nos oreilles s'engourdissent, nos papilles s'appauvrissent
la nuance disparaît, c'est le règne de la culture mainstream
mainstream, ça sonne comme un gazoduc, sans doute pas par hasard
elle prétend irriguer, mais elle asservit et nous maintient dans le gaz

il faut s’extirper de cette paresse, s’extriper de cette torpeur culturelle
s’exprimer avec clarté, savoir employer les mots justes
exemple : nous sommes le peuple, pas les peoples
l'action, c'est un choix de vie, pas un magasin
préférer la subtilité d’un subjonctif à la futilité d’un subterfuge
oser manifester, c’est refuser leur manne infestée
leur argent facile, leur autotune
sortir du confort, de la ouate, sonner la révolte des hommes en perdition

éclairons le morne, éclatons la norme
cultivons nos différences, c'est de là que naît la résilience
éteins la télé, fais parler les quartiers
diversité, diversité
croise les gènes, brasse les idées
monte sur scène, ose t’exprimer
fais résonner tes propos, et trouve ton écho
ton pouvoir magique pour changer le monde, ce sont tes mots
et je ne pouvais pas conclure autrement cette dédicace à Ci Siamo

Je crois en Dieu !

Je crois, mais je n’avais pas trop le choix :
y’avait Dieu, Allah ou Ackbar,
j’ai choisi celui qui change l’eau en vin, j’aime pas les calamars.
Donc je crois en un Dieu unique, mais séparé en trois qui ne font qu’un,
incarné en homme, représenté en poisson, né d’une vierge et mort à cause d’une balance…

Bref, je crois en Dieu le Verbe,
la parole créatrice, le souffle d’inspiration ;
car oui, dès sa genèse, Dieu, i(l) slam !
J’aimerais prendre tout ce qu’il dit pour parole d’Eve Angeli,
mais c’est un Dieu qui reste muet :
il écoute nos prières pour guérir un enfant malade ou faire perdre le PSG,
il les exauce parfois, mais ne répond jamais.

Je crois en un Dieu qui souffre, comme nous, pour nous :
qui s’en va traverser le désert sans gps,
qui se fait clouer au pilori sans anesthésie,
qui s’abstient, pour nous montrer que c’est possible – à part avec Marie-Madeleine…
Un Dieu plus humain qu’un humain,
qui roule à tombeau ouvert pour se sentir vivant,
qui tend l’autre joue quand on l’embrasse,
qui crèche où il peut, quitte à finir sur la paille,
mais qui a toujours un coup à boire pour les amis de passage !

Oui, je crois qu’il nous a fait à son image
mais qu’il est parfait, tout-puissant et omniscient,
alors que le propre de l’homme, c’est que Satan l’habite ;
et je ne parle même pas de la femme, tout juste issue d’une côte flottante ou d’un os pénien…

Je crois en un Dieu d’amour
qui nous dit : aime ton prochain… sauf si c’est ton prochain amant !
Un Dieu qui savoure les oraisons jaculatoires de ses croyants,
mais pour qui l’acte le plus pieux est d’y être seul.

Je crois en un Dieu de sobriété
qui nous met constamment à l’épreuve de mille et un péchés originaux :
qui nous a faits beaux et désirables, surtout les femmes mariées ;
qui proscrit la gourmandise mais qui a permis l’existence de la tartiflette ;
qui glorifie le vin de messe, mais pas le Pernand-Vergelesses ;
qui fait pleuvoir sur ses disciples absinthe et spritz,
et que l’on ne peut entrevoir qu’au risque d’une crise de foi(e) ;
un Dieu dont les anges n’aiment pas devenir vieux,
et parce qu’il me pense faible, bestial, il demande aux femmes de voiler leurs charmes…
Je crois en un Dieu qui ne croit pas en moi.

Mais je crois en un Dieu de miséricorde
qui pardonne tout et tout le monde :
les criminels de guerre, les tripoteurs d’enfants de chœur,
les adultères, les sodomites, et même les contrôleurs des impôts !
Oui, c’est le Dieu des indulgences,
qui exige la confession pour un plaisir solitaire
quand pour le plus grand des crimes, une enveloppe bien garnie sert de pénitence…

Et pourtant, je crois en un Dieu impitoyable,
courroucé par nos péchés,
réclamant en sacrifice nos brebis et nos fils,
et déclenchant séismes, éruptions, pandémies et krachs boursiers –
en attendant l’apocalypse, où les derniers seront les premiers à mourir...

Je crois !
Je crois.
Je suppose…

un jour, je te laisserai
ça viendra simplement, comme ça
sans cris ni fracas
la routine cassée, les certitudes envolées
on l'aura évoqué, plein de fois, en rigolant
alors tu te diras que c'était prévisible, mais quand même un peu violent
tu songeras que toutes ces années, c’était pas si mal, ça aurait pu être pire
tu te demanderas si on avait eu le temps de tout se dire

un jour, je te laisserai
des souvenirs
comme une collection d'instantanés
car on sait, toi et moi, que le bonheur,
c'est rien de plus qu'un chapelet de ces moments fragiles
où la vie et les émotions se cristallisent à l'équilibre,
comme une toupie brièvement dressée à la verticale
des souvenirs
un paradis caché au creux d'une vallée
et le vent furieux, là-haut, au sommet
une foule qui danse et chante à tue-tête
nos chiens qui courent après les mouettes
des tulipes en plastique, du saucisson
des frayeurs et des états seconds
le reflet des chevaux à marée basse
et dans les arbres, des lucioles funambules
faire tomber, parfois, la carapace
en silence face au crépuscule

un jour, je te laisserai
revenir sur nos pas
et commander un menu surprise, comme si j’étais là
redécouvrir, seule ou avec d’autres, nos plus beaux chemins
grimper dans les vignes et traverser des champs
t’arrêter pour aider la veuve et l'orphelin
et puis manger une calzone face à l'océan

un jour, je te laisserai
prendre un nouveau départ
oser bifurquer, et qui sait, te poser, quelque part
avoir la certitude que même dans l’absence
quoi que tu décides, je te fais confiance

un jour, je te laisserai
continuer nos aventures
choisir les plus belles pages de ton futur
traverser les frontières
repousser l’impossible
suivre l'eau vive des rivières
au-delà des sentiers accessibles
il te reste tant de défis à relever, d’expériences à vivre
chacun de nous ira là où l'autre ne pourra pas le suivre

un jour, je te laisserai
poursuivre l'inachevé
oui, tenir mes derniers engagements
aller en train jusqu'en orient
finir les plateaux de sushis
avoir une maison avec jacuzzi
ne jamais perdre le goût de l'inconnu
être fière de celle que tu es devenue
et surtout, surtout, prendre soin de nos adoptés
les aider à grandir, les soutenir, les aimer

un jour, je partirai
et dans ton cœur, je survivrai

Ma patience s’amenuise…
Je sais pas si c’est moi qui vieillis ou si c’est le monde qui tourne pas rond…
Déjà, j’ai plus de patience pour ceux qui ne finissent jamais ce qu’ils commencent.
J’ai plus de patience pour ceux qui font tout le temps la gueule.
J’ai plus de patience pour la paresse intellectuelle, le repli sur soi.
J’ai plus de patience envers ceux qui n’aiment pas les chiens – en général ils n’aiment pas les gosses non plus.
J’ai plus de patience quand je vois des gens venir à une scène slam mais n’écouter que quand ça parle de cul.
J’ai plus de patience pour les jeunes qui attendent d’avoir 30 ans pour commencer à envisager d’avoir envie de bosser,
et j’ai encore moins de patience pour les vieux qui donnent des leçons de morale du haut de leur retraite bien tranquille dans la baraque qu’ils ont achetée y’a 40 ans pour trois fois rien.

J’ai plus de patience pour les candidats qui ne se pointent pas aux entretiens
pour ceux qui ont tout le temps un smartphone dans la main
pour ceux qui salent par principe avant même d’avoir goûté
pour ceux qui font suivant, suivant, sans jamais laisser une chanson se terminer
pour ceux qui nourrissent leurs gosses à l’éco+ pour compenser leurs achats compulsifs
et pour les enfoirés qui font des queues de poisson sur le périph

J’ai plus de patience pour ceux qui vont à la salle pour éliminer leur malbouffe quotidienne
pour ceux qui éduquent à coups de ceinture mais qui manifestent contre la guerre en Ukraine

J’ai plus de patience pour les amis qui n’en sont plus dès que le vent tourne
pour les chineurs qui voient ton pull à un euro et te demandent une ristourne

J’ai plus de patience pour tous ceux qui ne savent pas dire je t’aime
pour ceux qui ont besoin d’être quelqu’un d’autre pour se sentir eux-mêmes
pour ceux qui réclament la franchise et s’offusquent à la première vérité dérangeante
pour les influenceurs, les hypocrites et les sycophantes
pour les mémés en SUV et les kékés en Mercedes
pour ceux qui n’envisagent pas de caresse sans ivresse

J’ai plus de patience quand tu fais l’enfant
quand tu joues sans scrupules avec mes sentiments
quand tes yeux jadis scintillants ne reflètent plus que l’ordinaire
quand ce n’est plus jamais à moi que t’essaies de plaire

J’ai plus de patience pour ceux qui confondent générosité et charité, confiance et naïveté
pour celles qui peuvent pas s’empêcher de retourner avec le type qui les a humiliées
J’ai plus de patience pour ceux qui mélangent science et opinion
pour la simplification, l’homogénéisation
J’ai plus de patience pour les géniteurs qui se croient pères
et pour ceux qui trouvent ça courageux de se foutre en l’air

Et puis j’ai plus de patience pour ceux qui n’ont plus de patience !
Pour ceux à qui on offre 3 minutes sur scène pour divertir un public,
et qui les passent à râler contre tout et tout le monde,
alors que… leur principal problème, c’est eux-mêmes !

J’ai 18 ans ! L’avenir m’appartient. Je veux tout, tout de suite. Je mange des fast foods, j’écoute Youtube en accéléré, j’épate les potes avec ma Golf en leasing, je commande UberEats même quand le frigo est plein. Je veux ce que les autres ont, et je veux l’avoir avant eux.
Tous les soirs je trouve une soirée étudiante, j’enchaîne les bières, les shooters jusqu’à finir dans les chiottes pour tirer une meuf ou pour dégueuler. Jamais assez ; pas de remords, pas de regrets, non…

Et ça y est, j’ai mon bac+5 : baise mes pieds, manant, je gagne déjà plus que mes parents. Je me mets au golf, au CBD, même au café. Les bombes se suivent dans le carré VIP, j’ai toujours du succès tant qu’il y a du champagne à volonté. Je suis un homme gâté, un homme gâté…

Elle, elle est magnifique ; elle je veux la garder, on va tout faire ensemble, oui, je lui offrirai tout, du sac Hermès à la Tesla, je l’emmènerai partout, de Bali à Bahia. Elle est jeune et fragile, comme les autres, mais elle, je sais pas pourquoi, je crois que je l’aime. Et si elle veut un gosse, bah… peut-être. C’est dire comme je l’aime, hein ! Parce que moi, les contraintes, c’est hors de question ! Pas de chien, pas de gosse ! J’ai assez à faire, le pognon tombe pas du ciel, faut bosser, et puis y’a les soirées, le squash, les week-ends au circuit, et tout ce dont je peux pas parler… Parce que j’ai pas changé, hein, rêvez pas, j’ai toujours le même appétit… Et le même succès… Alors oui des gosses j’en ai semé deux-trois, mais eh, elles savaient ce qu’elles faisaient, si elles voulaient pas de mon fric elles avaient qu’à se protéger…

Bon, elle a fini par partir. Elle savait pas ce qu’elle voulait, un jour j’étais trop vieux pour elle, un jour pas assez mûr. Putain, les femmes et leurs hormones… Mais on s’en fout, des filles qui ont l’air d’avoir 20 ans et qui n’ont pas confiance en elles, j’en trouve toujours. Et tant mieux si elles durent pas. Elle au moins, elle m’a donné un gosse ; bon c’est une fille, mais je l’ai fait grandir, moi, je lui ai tout appris, un week-end sur deux. Et plus tard, ce sera une femme, une vraie, elle aura un bon mari et une vie convenable, ah ça, y’a intérêt.

C’est de plus en plus douloureux, il faudrait que je consulte, mais je peux pas avoir confiance en quelqu’un qui gagne plus que moi. Je finis par y aller… Hein ? Mais il dit n’importe quoi, en plus c’est un étranger, non mais t’as vu cet accent on comprend rien ils peuvent pas recruter des français bordel ? Je ne reconnais plus mon pays… Je vais voir un spécialiste, un vrai, dans une clinique du XVIè.

… Ça va vraiment pas. Je suis… malade. Évidemment, les rats quittent le navire ! Vous croyez qu’ils viendraient me voir, mes enfants, mes chers enfants ? Moi qui leur ai tout donné ? Des ingrats, voilà ce qu’ils sont. Mourir seul. Quelle injustice ! Quel gâchis…

« Non Madame, je ne veux pas vous acheter d’assurance ! Je monte sur scène, tout de même ! C’est bien que j’en ai un peu, de l’assurance ! Et c’est gratuit !
- Mais Monsieur, l’assurance que je vous propose, elle est très spécifique : c’est une assurance grande dépendance !
- … Ha ! Vous vous méprenez, Madame ! Avec mon modeste appartement, je ne possède aucun terrain sur lequel je pourrais avoir une dépendance, petite ou grande ! 
- Monsieur, sauf erreur de ma part, vous avez 42 ans, vous n’avez pas d’enfant et vous entrez dans une période où vous avez statistiquement 30 % de chances de subir un accident ou un problème de santé vous laissant provisoirement ou définitivement dans l’incapacité de -
- Haaaa ! Je vois où vous voulez en venir, mais là encore je me dois de corriger vos informations : j’ai déjà une assurance-vie !
- Ce n’est pas pareil, Monsieur.
- Comment ça ?
- Une assurance-vie protège vos proches si vous mourrez ; une assurance grande dépendance vous protège, vous, des accidents de la vie.
- Vous devriez peut-être l’appeler assurance-vie, dans ce cas, et l’autre, assurance-mort.
- Ce n’est pas à moi d’en décider, Monsieur…
- Mais Madame, bien nommer les choses, c’est essentiel ! Il faut appeler un chat un chat ! Et un chat, c’est vivant ou c’est mort, ça ne peut pas être les deux à la fois ! Quoique... 
- … Monsieur, pardon mais vous êtes l’archétype de l’homme blanc cynique et insouciant qui n’assume jamais les conséquences de ses choix, et que vous n’ayez pas d’enfant n’est pas surprenant ! Réfléchissez un instant, vous pourriez avoir un AVC, tomber dans les escaliers, contracter un Covid long, n’importe quelle mésaventure vous empêchant d’effectuer de nombreux actes anodins de la vie quotidienne !
- … Hmm, ça n’a rien de si terrible…
- Vous pourriez vous retrouver seul, abandonné de tous, quelqu’un vous donnerait à manger, signerait à votre place - imaginez cette déchéance, vous pourriez finir vos jours dans un fauteuil roulant !
- … Ha. Certes. En effet, si cette assurance peut éviter que cela se produise, cela m’intéresse.
- Mais bien sûr que non, qu’on ne peut pas éviter les accidents de la vie ! Mais au moins, vous auriez de l’argent ! Pour payer des gens pour vous aider, par exemple !
- Je croyais que c’était le rôle de l’État.
- Oui, mais bon, c’est compliqué ! Et puis si vous avez une jolie rente grâce à votre assurance, vos amis, votre femme, eh bien… peut-être qu’ils ne partiront pas !
- Vous, alors… Vous pouvez parler, mais question cynisme, vous êtes plutôt pas mal non plus.
- Enfin Monsieur, reconnaissez-le : passer le restant de ses jours à dépendre de la bonne volonté des autres, ce n’est pas une vie !
- Ah mais si Madame, c’est une vie, et moi, je vous… l’assure !